Principes généraux

Une classification des maladies peut se définir comme un ensemble organisé de rubriques dans lesquelles on range des entités morbides en fonction de certains critères établis qu'il est possible de choisir de nombreuses manières. L'anatomiste, par exemple, peut désirer un classement d'après la partie du corps qui est atteinte tandis que le pathologiste est surtout intéressé par la nature du processus pathologique, le médecin de santé publique par l'étiologie et le clinicien par les manifestations mêmes qui requièrent ses soins. En d'autres termes, les systèmes de classement sont nombreux, et celui qui sera choisi dans chaque cas particulier sera déterminé par les préoccupations du chercheur. Une classification statistique des maladies et des traumatismes dépendra donc de l'usage qui doit être fait des statistiques recueillies.

Dans le passé, les divergences entre centres d'intérêt ont fait échouer les efforts visant à bâtir une classification statistique strictement logique quel que fût le système retenu. Les diverses rubriques représentent donc une série de compromis nécessaires entre les classifications basées sur l'étiologie, la localisation anatomique, les circonstances d'apparition, etc., ainsi qu'entre les renseignements de qualité variable susceptibles d'être recueillis dans les observations médicales. Il faut aussi procéder à des adaptations pour satisfaire aux exigences variées des services de statistiques démographiques, des hôpitaux de différents types, des services de santé militaires, des organismes d'assurances sociales, des enquêtes médicales et de nombreuses autres institutions. Bien qu'une classification unique ne puisse répondre à tous les besoins spéciaux, elle devrait néanmoins constituer une base commune de classement pour l'usage statistique général, c'est-à-dire pour la conservation, l'extraction et la mise en tableaux des données.

Une classification statistique des maladies doit se limiter à un nombre restreint de rubriques susceptibles d'embrasser la totalité des états morbides. Ces rubriques doivent être choisies de manière à faciliter l'étude statistique des phénomènes pathologiques. Une entité morbide spécifique doit avoir un titre distinct dans la classification seulement lorsque son classement à part est justifié, sa fréquence ou son importance pathologique autorisant à l'individualiser dans une rubrique spéciale. En revanche, beaucoup de titres dans la classification se rapportent à des groupes d'états distincts mais habituellement apparentés. Cependant, toute maladie ou tout état morbide doit être rangé à une place définie et appropriée dans l'une des rubriques de la classification statistique. Quelques intitulés sont réservés à des affections diverses qui ne peuvent être classées de façon plus précise. Ces rubriques «Divers» sont ou ont été réduites au minimum.

C'est ce caractère de groupement au sein d'une classification statistique qui la distingue d'une nomenclature, qui est une liste ou un catalogue de termes approuvés pour désigner des états morbides devant être complets afin d'y inclure tous les états pathologiques. Toutefois, les notions de classification et de nomenclature sont étroitement liées en ce sens que certaines classifications (par exemple en zoologie) sont tellement détaillées qu'elles en deviennent des nomenclatures. Pourtant, dans ce cas, elles ne conviennent pas en général à l'analyse statistique.

Les buts du classement statistique des maladies ne sauraient être mieux résumés que dans les paragraphes ci-après, écrits par William Farr1 , il y a un siècle :

  • Les causes de décès ont été cataloguées par ordre alphabétique dans les premiers états de mortalité (tables mortuaires); ce procédé a l'avantage de ne soulever aucune de ces questions délicates, au sujet desquelles il est vain de compter sur l'accord unanime des médecins et des statisticiens. Mais la statistique est essentiellement une science de classement et, lorsqu'on jette un coup d'oeil rapide sur ce sujet, il est évident que toute classification, qui groupe des maladies se ressemblant beaucoup ou risquant d'être confondues, est de nature à faciliter la déduction de principes généraux.
  • Le classement est une méthode de généralisation. C'est pourquoi plusieurs classifications peuvent être employées avec avantage, et le médecin, le pathologiste ou le juriste peuvent légitimement, chacun d'eux se plaçant à son propre point de vue, classer les maladies et les causes de décès de la façon qu'ils jugent la plus apte à faciliter leurs recherches et à donner des résultats généraux.
  • Le médecin praticien peut établir ses principaux groupes de maladies d'après la nature (médicale ou chirurgicale) de leur traitement ; le pathologiste, d'après la nature du processus morbide ou de la lésion; l'anatomiste ou le physiologiste, d'après les tissus et les organes intéressés; le juriste médical, d'après la soudaineté ou la lenteur du décès; tous ces points méritent bien d'être pris en considération dans une classification statistique.
  • Au regard des statisticiens nationaux, les éléments les plus importants ont été, cependant, pris en considération dans l'ancienne subdivision des maladies en fléaux (ou épidémies et endémies), en maladies communément rencontrées (maladies sporadiques), qui peuvent être divisées en trois classes, et en traumatismes ou conséquences immédiates d'actes violents ou de causes externes.